Saisi en urgence, le tribunal administratif de la Martinique, statuant en chambre des référés, a rejeté la demande visant à ordonner aux autorités sanitaires et médicales de la Martinique de mettre en œuvre un dépistage systématique du coronavirus, de procéder à des commandes massives de chloroquine et de prendre des mesures complémentaires pour la mise à disposition de la population de matériels de protection (masques de protection et gel hydroalcoolique).
Le Tribunal administratif a été saisi lundi 30 mars 2020, en référé liberté, par deux associations, un syndicat et un particulier, afin d’enjoindre au préfet de la Martinique, à l’agence régionale de la santé et au centre hospitalier universitaire plusieurs séries de mesures pour faire face à la crise sanitaire : mise en place d’un dépistage systématique du Covid-19, accès de personnels de santé étrangers, commande de doses massives d’hydroxychloroquine et d’azithromycine pour le traitement de 200 000 patients, mise à disposition de matériels de protection (masques et gel hydroalcoolique) pour l’ensemble de la population exposée au public, communication d’informations personnelles sur les personnes atteintes du Covid-19, la dotation de 500 respirateurs, et désinfection des lieux accueillant du public.
L’audience s’est tenue mercredi 1er avril 2020 de 9 h 00 à 12 h 00 au Tribunal administratif de la Martinique. Les débats riches et nourris ont permis aux juges des référés d’entendre toutes les parties qui ont pu s’exprimer longuement et répondre aux interrogations des magistrats. Des mesures de sécurité liées à l’état d’urgence sanitaire ont été mises en place conformément au plan de continuité d’activité.
La chambre des référés a rendu son ordonnance ce jour.
Le Tribunal rejette d’abord la demande de mise en place d’un dépistage systématique du Covid‑19.Il rappelle que ces tests de dépistage n’ont vocation à être pratiqués que dans la perspective de la sortie du confinement. Il constate en outre que l’agence régionale de santé de la Martinique a pris des mesures pour commander des tests de dépistage du Covid-19 supplémentaires, qui pourront être acheminés, notamment depuis la France hexagonale, grâce au maintien d’une liaison aérienne régulière, afin de renforcer, à brève échéance, les stocks disponibles. Il en conclut qu’il n’est pas démontré que, compte-tenu des mesures prises, les autorités publiques ne seraient pas en mesure d’organiser les dépistages nécessaires à l’issue du confinement.
Le Tribunal observe que s’agissant de la venue de personnels de santé étrangers, le décret publié ce jour autorise le directeur de l’agence régionale de santé de la Martinique, à titre dérogatoire, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, à délivrer des autorisations provisoires, permettant à des professionnels de santé ayant obtenu leur diplôme hors de l’Union Européenne, d’exercer en Martinique. Il ressort des débats à l’audience que le directeur de l’agence régionale de santé de la Martinique, après avoir identifié les besoins des établissements de santé, fera, le cas échéant, usage de cette compétence, qui nécessite toutefois une instruction préalable des éventuelles candidatures présentées.
Le Tribunal rejette également la demande de commandes massives d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Il rappelle que les résultats des études réalisées sur ce traitement doivent être considérées avec prudence, tandis qu’il est dans le même temps avéré que l’usage de l’hydroxycholoroquine peut entraîner des effets indésirables susceptibles d’engager le pronostic vital des patients. En l’état de la réglementation en vigueur, l’hydroxychloroquine ne peut être administré aux patients atteints du Covid-19 que dans les cas les plus graves. Le Tribunal note que les stocks d’hydroxycholoroquine et d’azithromycine, détenus par le centre hospitalier universitaire de Martinique, sont suffisants pour permettre cet usage strictement encadré.
Concernant les masques, le Tribunal estime que la restriction au profit des personnels soignants est justifiée par le nombre limité des stocks disponibles. Il observe qu’un réapprovisionnement, par le biais d’un avion ayant atterri à l’aéroport international de la Martinique Aimé Césaire le 31 mars 2020, permet de maintenir le stock de masques nécessaire à ce public prioritaire. Concernant le gel hydroalcoolique, il relève qu’à la date où il statue, aucune difficulté d’approvisionnement ne justifie l’édiction de mesures complémentaires pour continuer d’assurer la mise à disposition de la population.
Le Tribunal rejette encore la demande de diffusion d’informations personnelles sur les personnes atteintes du Covid‑19. Il constate que les services de l’Etat communiquent sur les chiffres de l’évolution de la maladie depuis que le premier cas a été diagnostiqué en Martinique. Il relève que la communication d’informations personnelles sur les personnes contaminées porterait gravement atteinte au secret médical et au droit au respect de la vie privée et ne présenterait aucun caractère utile à la lutte contre la propagation du virus.
Le Tribunal relève que si la Martinique est dotée d’un nombre limité de respirateurs et de lits de réanimation, il résulte de l’instruction et des débats que le taux d’occupation de ces équipements est encore faible à ce jour, et que ces moyens vont être renforcés à brève échéance, grâce à la commande, par le centre hospitalier universitaire de Martinique, de respirateurs supplémentaires, qui pourront être acheminés depuis la France hexagonale grâce au maintien d’une liaison aérienne, et à la mise à disposition, dans la zone Antilles-Guyane, du porte-hélicoptères Dixmude, doté de lits et de matériel médical.
Le Tribunal rejette enfin la demande de désinfection de lieux accueillant du public. Il relève que les gestionnaires, publics et privés, des lieux accueillant du public assurent leur nettoyage régulier et qu’il n’est pas démontré que leur désinfection nécessiterait des mesures complémentaires.