Le tribunal administratif de la Martinique a jugé que la possibilité de régulariser, par une cession de parcelle, une construction édifiée sur le domaine public maritime naturel de l’Etat n’est pas limitée à la zone des cinquante pas géométriques, mais s’étend également à certains terrains situés hors de cette zone qui ont été soustraits artificiellement à l’action des flots.
Les départements d’outre-mer bénéficient de dispositions particulières qui incluent dans le domaine public maritime naturel de l’Etat la zone de terre qui borde le littoral sur une largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer. Cette bande de terre est dénommée zone dite "des cinquante pas géométriques". Elle appartient à l’Etat et bénéficie du régime juridique protecteur de la domanialité publique, qui interdit en principe toute alinéation.
Par exception, la loi a institué un mécanisme de cession de parcelles qui permet au préfet, sous certaines conditions, de céder, à titre onéreux, des terrains relevant des espaces urbanisés de la zone dite "des cinquante pas géométriques" sur lesquels des constructions à usage d’habitation ont été édifiées, et ce afin de régulariser la situation des auteurs des constructions ou de leurs occupants. Cette possibilité de cession s’étend également à certains espaces urbanisés situés hors de la zone dite "des cinquante pas géométriques" qui ont été artificiellement soustrait à l’action des flots (article L. 5112‑6 du code général de la propriété des personnes publiques).
En l’espèce, le préfet de la Martinique avait rejeté la demande de cession onéreuse présentée par l’occupant d’une maison d’habitation édifiée sur un terrain situé en bord de mer, au niveau de la façade Atlantique de la Martinique, en retenant que la parcelle n’était pas située dans la zone dite "des cinquante pas géométriques". Ce dernier a alors saisi le tribunal administratif de la Martinique afin d’obtenir l’annulation de la décision préfectorale de refus de cession de la parcelle.
Après avoir rappelé les textes en vigueur, les magistrats ont constaté que le terrain litigieux, qui jouxte une mangrove, avait été artificiellement soustrait à l’action des flots, après réalisation de travaux d’assèchement de la portion de mangrove qu’il abritait initialement. Ils ont estimé que la réalisation de ces travaux d’artificialisation sur le sol de la mer était restée sans incidence sur l’appartenance de la parcelle au domaine public maritime naturel de l’Etat et n’avait pas eu pour effet de modifier l’emprise de la zone dite "des cinquante pas géométriques" afin d’y inclure le terrain exondé. Ils ont conclu que, même si le terrain n’était pas situé dans la zone dite "des cinquante pas géométriques", il se trouvait tout de même situé dans un espace urbanisé qui avait été soustrait artificiellement à l’action des flots et entrait ainsi dans le champ du mécanisme de régularisation par cession de parcelle institué par la loi. La décision du préfet refusant la cession de la parcelle est en conséquence annulée.
>> Accès au jugement n° 2400130 du 19 décembre 2024
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